William
« Je vous encourage à vous faire tester. »
C’était en 1983, j’avais 41 ans, et j’avais l’impression d’en avoir 70. J’étais constamment fatigué, j’avais des raideurs aux articulations, mon ventre était enflé, mes yeux se fatiguaient facilement et je souffrais de dysfonction érectile.
Je n’étais pas du genre à courir chez le médecin au moindre petit bobo; cependant, j’ai été voir un médecin à Terrace, en Colombie-Britannique, au sujet de mes yeux et de ma dysfonction érectile. Ce premier médecin m’a référé à des spécialistes; l’un d’eux m’a prescrit des lunettes, et l’autre des injections de testostérone. Mon état a empiré au lieu de s’améliorer. On m’a conseillé une période d’arrêt de travail de 6 mois, mais grâce à un patron compréhensif, j’ai plutôt travaillé de la maison. Finalement, j’ai été voir mon médecin de famille, le Dr Eastwood. Il a voulu prendre connaissance de tous les petits problèmes qui m’indisposaient, et pour lesquels je n’aurais pas nécessairement été consulter. À la fin du rendez-vous, il m’a envoyé au laboratoire pour faire un test de ferritine. Dès le lendemain, je partais pour Vancouver en avion pour subir une biopsie du foie, ce qui a permis de confirmer que j’étais à un stade avancé de l’hémochromatose et que mon niveau de ferritine était dans les milliers.
La seule raison pour laquelle mon médecin a eu ce soupçon est que quelques mois auparavant, il avait eu un nouveau patient qui avait la maladie. Il n’en aurait jamais entendu parler autrement. Il m’a dit que j’avais besoin d’un traitement immédiat si je voulais survivre plus d’un an.
Je suis retourné à Vancouver pour voir un médecin spécialiste du foie, qui m’a imposé un régime de deux phlébotomies par semaines. Je pensais que j’étais fatigué avant, mais je n’avais rien vu! Les médecins voulaient que mon hémoglobine soit autour de 10 mg/L pour faire sortir le fer de mon système. C’est lors de cette période que j’ai appris qu’à cause de l’hémochromatose, une de mes testicules s’était atrophiée et que j’aurais besoin d’injections de testostérone pour le restant de ma vie. On m’a aussi informé que je serais suivi pour l’arthrite, que des dépôts de fer logés dans les muscles de mes yeux avaient fait en sorte que j’aurais besoin de lunettes, et que mon foie était sévèrement atteint.
Tandis que mes niveaux de ferritine ont diminué au cours des deux années suivantes, les phlébotomies se sont faites moins fréquentes elles aussi. Graduellement, elles sont passées de deux fois par semaine à une seule, puis au mois, et puis finalement à une fréquence de maintenance d’une fois par trois mois. Des années ont passé au cours desquelles j’ai dû subir des phlébotomies et des tests sanguins réguliers, avec des visites périodiques chez un spécialiste pour des écographies et des tests sanguins pour évaluer l’état de mon foie. La plupart des médecins et des infirmières que j’ai rencontrés n’avaient jamais entendu parler d’hémochromatose, et le peu qui connaissaient cela me posaient des questions du genre, « est-ce que tu manges dans des casseroles en fer? »
En janvier 2008, je suis presque mort en route vers l’hôpital suite à une hémorragie gastrique majeure. Ma pression était dangereusement basse, à cause de la perte de sang.
Ce fut finalement établi que mon foie était empoisonné par le Diclofenac, un médicament que je prenais depuis de nombreuses années pour traiter l’arthrite causée par l’hémochromatose. Le poison dans mon foie m’a aussi rendu délirant. Une fois que mon foie fut nettoyé et que j’ai laissé tomber le Diclofenac pour la morphine, ma santé s’est améliorée mais j’étais faible, fatigué, et j’avais perdu 34 livres.
Pendant que les médecins essayaient de trouver la cause du saignement en me faisant faire des examens d’imagerie comme des tomodensitométries (aussi connu sous le nom de « CT scan » ou « CAT scan » en anglais) et des IRM (imagerie par résonnance magnétique), ils ont découvert plusieurs petites tumeurs cancéreuses dans mon foie. Un PET scan (Tomographie par Émission de Positrons, ou TEP en français) en novembre 2008 a montré que le cancer dans mon foie s’était propagé dans mon poumon, rendant un traitement conventionnel impossible. On m’a donné un médicament de chimiothérapie expérimentale qui m’a affaibli, fatigué, qui m’a enlevé l’appétit et qui m’a donné des nausées. En mars 2009, d’autres tests ont montré que le traitement expérimental ne fonctionnait pas et que le cancer continuait de croître. Il ne restait rien à faire, à part profiter du temps qui me restait.
Ce que mes docteurs ont tiré au clair, c’est que la cause première de mes problèmes était l’hémochromatose.
On m’a posé la question : « quel impact l’hémochromatose a-t-elle eu sur ta vie? » La réponse est que cela m’a profondément affecté à plusieurs niveaux : émotionnellement, financièrement, physiquement, et sexuellement.
À force de vivre avec une maladie peu connue au début des années 80, et avec les restrictions qui m’étaient imposées par celle-ci alors que j’aurais dû être en train de faire tout ce qu’une personne au début de la quarantaine fait normalement… disons que j’étais très conscient de ma mortalité. Cette maladie a pris le contrôle de ma vie. Les hôpitaux, les visites aux médecins, les horaires de phlébotomies, les tests de laboratoire, les restrictions physiques…
Un des pires problèmes émotionnels fut d’apprendre à vivre avec la perte de virilité que j’ai subie. Ça a affecté mon dernier mariage, et ça a eu impact sur mon estime de moi parce que je devais utiliser des mesures palliatives comme des injections au pénis ou, plus récemment, du Viagra.
Ça m’a coûté sur le plan financier aussi pendant 25 ans, notamment à cause des traitements pharmaceutiques pour les effets secondaires de la maladie. Ça, c’est en plus des frais et du temps associés au voyagement pour les phlébotomies, les tests, les ambulances, la perte de temps de travail, les séjours à l’hôpital, les marchettes, etc.
C’est l’hémochromatose qui est responsable de ma fin imminente à cause du cancer. Alors à ceux qui soupçonnent qu’ils pourraient avoir la maladie, je vous encourage fortement à vous faire tester. Si vous l’avez, faites tester votre famille. Si un membre de votre famille fut atteint, faites-vous tester. Un membre de ma fratrie se fait présentement traiter pour l’hémochromatose, et nous croyons que certains membres de notre famille qui sont aujourd’hui décédés avaient eux aussi l’hémochromatose.
Si c’est détecté tôt, traité, et contrôlé avec des phlébotomies, une personne avec l’hémochromatose peut vivre longtemps et en bonne santé.